Rozana

6-15 décembre 2024


Ces professionnel·le·s de la santé qui travaillent dans sept hôpitaux majeurs en Cisjordanie et en Israël ont entrepris un cycle de deux années au cours desquelles les équipes améliorent leurs compétences professionnelles, apprennent les unes des autres, construisent une approche collaborative et trouvent des réponses aux obstacles quotidiens liés au manque de confiance et aux préjugés entre elles et/ou eux et leurs patient·e·s.


Troisième et dernier groupe de l’année 2024, ce sont 14 infirmiers et infirmières de Cisjordanie occupée et d’Israël que Coexistences a accueilli·e·s, en collaboration avec l’ONG Rozana Health Diplomacy.

Ces femmes et ces hommes, uni·e·s par leur métier, ont prolongé en Suisse un travail préalable de plus de quarante heures portant sur des problématiques et un idéal communs alors que les circonstances dans lesquelles ils et elles vivent et exercent leur métier sont très différentes. Pour les Israélien·ne·s les conditions de vie sous occupation de leurs collègues ont été une découverte et une prise de conscience, quant aux Palestinien·ne·s, ils et elles étaient nombreux·ses à découvrir le récit de l’Holocauste.

Dans le contexte actuel de violences extrêmes et de défiance inégalée, ce séjour tient du petit miracle. Il a été réalisé par des hommes et des femmes partageant les mêmes valeurs fondamentales, droits humains, égalité et fraternité.

L’une des participantes, israélienne, a résumé le sentiment général en racontant que ce séjour lui avait permis de comprendre qu’une coexistence était vraiment possible, en tout cas avec les habitants de Cisjordanie. Les membres du groupe, le facilitateur et la facilitatrice, de même que Rozana sont extrêmement reconnaissant·e·s et le groupe s’est consolidé, se décrivant, à l’issue de sa visite en Suisse, dorénavant comme une famille. Il était accompagné de deux interprètes hébreu et arabe Tagrid et Doly, ainsi que de la responsable des programmes côté israélien Maya Arnon et du responsable côté palestinien Luke Atkin.

Les dix jours en Suisse
Le séjour s’est superbement déroulé et a permis au groupe, accompagné de façon experte par une facilitatrice, Michal Levin et un facilitateur, Saber Rabi, que nous connaissons depuis de nombreuses années, d’aborder des sujets très sensibles avec courage et sincérité.
Arrivé le 6 décembre il s’est rendu immédiatement à Château d’Œx où il a séjourné 5 jours. Le travail interne a porté sur l’égalité comme base pour construire la paix, la notion de partenariat, les obstacles à la construction d’une paix équitable. Il a aussi abordé l’héritage de l’Holocauste et les questions morales posées par la dévastation de Gaza. Porté·e·s par la bonne dynamique interne, les participant·e·s ont souhaité aborder des sujets que nous pensions impossibles depuis le 7- Octobre : les identités, l’importance de Jérusalem, du Mont du Temple et de Al Aqsa, les réfugiés palestiniens et la question du droit au retour.

Ces discussions leur ont permis de se comprendre en profondeur : une des participantes, pourtant engagée depuis de nombreuses années dans la gauche israélienne, organisatrice de manifestations et ayant de nombreuses connaissances palestiniennes, nous a rapporté que c’était la première fois qu’elle avait eu des discussions aussi approfondies avec des Palestinien·ne·s qui lui ont permis de comprendre leur point de vue.

Outre une excursion qui a donné l’occasion au groupe d’évoluer dans la neige et d’apprécier les beautés de l’hiver en montagne, plusieurs présentations ont été organisées afin de le familiariser avec notre pays : trois présentations sur le système de santé, la fin de vie et les soins palliatifs en Suisse par les docteurs Bernard Borel, Josiane Pralong et Pierre Corbaz, une sur les identités sexuelles et de genre, et l’inclusivité dans l’accueil des patient·e·s par la secrétaire de VOGAY Sarah Blaser et une sur le système politique suisse par Coexistences. 

Ces discussions ont préparé la rencontre qui a eu lieu à l’hôpital Riviera-Chablais Rennaz où, après une visite de cet hôpital de conception moderne, les participant·e·s ont présenté à une quinzaine de collègues suisses ou de France voisine leurs systèmes de santé respectifs, la question épineuse des maladies génétiques causées par les mariages intra-familiaux (en Palestine) ainsi qu’un projet de consultations mobiles en soins primaires pour les populations isolées. Un échange riche s’en est suivi.

L’école de management de réputation internationale IMD à Lausanne leur a offert une journée entière sur le leadership et des techniques de ressourcement. Le groupe s’est interrogé sur le type de leadership qu’il a vu exercer comme celui qu’il pratique et s’est familiarisé avec la notion de leadership situationnel (adaptable selon le contexte). Au fil de la journée, la responsable de cette formation sur mesure, Mme Jennifer Jordan, s’est basée sur le travail interne déjà accompli pour amener le groupe à un nouveau niveau de conscience, celui d’être une équipe soudée par cette formation et renforcée par une meilleure compréhension de soi.

Après ces journées de coexistence intense en chalet, nos 20 visiteur·se·s ont passé deux jours en famille d’accueil avec lesquelles ils et elles ont pu profiter se délecter du marché de Noël de Montreux. Ce fut pour les uns comme pour les autres des expériences fortes et l’occasion de dépasser de nouvelles limites.

Le séjour a été relaté dans le quotidien 24 Heures du 23.12.2024 et dans l’hebdomadaire Tachles du 20 décembre 2024 (voir page presse). Merci à Mme Francine Brunschwig pour son récit bienveillant.


Après le séjour
Nous avons reçu une lettre de remerciements très chaleureuse de la directrice de Rozana (à lire en cliquant ici) ainsi que plusieurs témoignages. Depuis leur retour, sous l’effet de la suspension des fonds de l’agence du développement américaine USAid (représentant 40% des fonds mondiaux pour l’aide humanitaire, d’urgence et de développement), qui finançait ce programme, le groupe n’a pas pu se voir en personne comme prévu mais a évalué l’impact de ce séjour lors d’une réunion virtuelle. Même sans les soutiens financiers, les collaborations transfrontalières sur des projets concrets (cliniques mobiles pour femmes) se poursuivent au niveau individuel.

Le groupe a également participé fin janvier au hackathon de l’ONG Tech2Peace et a remporté un prix. À cet évènement, deux des participantes palestiniennes (l’une de Cisjordanie et l’autre d’Israël) arboraient le pin de solidarité avec les otages, le petit ruban jaune, témoignage éloquent de l’empathie et de l’ouverture suscitées par leur participation à ce processus de dialogue approfondi. Cet évènement a été relaté dans le quotidien Haaretz le 31 janvier 2025.

Remerciements
Un très grand merci à tous et toutes qui se sont investi·e·s dans un beau groupe de travail chaleureux et diablement efficace : Marianne et Cyrille Francillon, François Feihl, Miriam Lazega Kuelling, Marion Mendelzweig, Sandra Modiano, Halina Sandri, Massimo Sandri, Fiuna Seylan Ongen.

Et aux familles d’accueil pour leur intérêt, leur accueil et leur enthousiasme : Elizabeth et Jean-Pierre Clément, Georges et Geneviève Conne, Marianne et Cyrille Francillon, Sylvie et Francois Feihl, Delphine et Ariel Friedman, Daniela et David Hersch, Nathalie Katz et Yves Lachavanne, Danielle et Pierre Kohler, Miriam et Paul Lazega Kuelling.

Nous remercions très chaleureusement Bernard Borel, Josiane Pralong, Pierre Corbaz, Sarah Blaser pour leurs présentations passionnantes, Christian Moeckli et Nathalie Shai pour avoir ouvert leur lieu de travail et organisé une journée captivante à l’hôpital Riviera Chablais et enfin Jennifer Jordan, Shlomo Ben Hur et sa direction pour avoir à nouveau fait profiter du savoir-faire et des connaissances exceptionnelles de l’IMD. 

La Protection Civile a assuré le transport de ce groupe. L’engagement du canton de Vaud à nos côtés est un geste symbolique fort et l’expression concrète de son engagement en faveur de la paix. Nous les remercions tout particulièrement cette année pour leur immense flexibilité, ayant eu à chercher le groupe à l’aéroport de Zurich et à coordonner un retour simultanément à l’aéroport de Genève et à celui de Zurich.

Ce séjour n’aurait pas été possible sans plusieurs dons, en particulier de la Fondation Sandoz, de la Société des Amis (Quackers) de Suisse et de Daniel Halperin et l’engagement de celui qui œuvre à la recherche de fonds, Laurent Enser. Qu’ils trouvent ici l’expression de notre reconnaissance.

Pour le groupe d’organisation du séjour, Fiuna Seylan
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