RENFORCER Les médiateurs et
les médiatrices DU conflit israélo-palestinien
13-22.08.2023
Après un premier séminaire en septembre 2022, dont nous avons pu mesurer les fruits lors d’une réunion intermédiaire fin janvier 2023, nous avons accueilli les participant·e·s au second et dernier séminaire du 13 au 22 août, d'abord à Estavayer-le-Lac puis en familles d’accueil à Lausanne. Il a permis d’approfondir certaines des problématiques abordées lors du premier séminaire et les a aidé·e·s à constituer leur réseau d’entraide.
Ce projet novateur a été développé en 2021 par notre association avec pour objectif d’offrir aux chevilles ouvrières du dialogue que nous soutenons depuis tant d’années un espace pour réfléchir à leur travail, débattre des problématiques de fond et apprendre les uns des autres, alors qu’ils ne se connaissent pas et n’ont jamais l’occasion de partager leur expérience. Les grandes lignes du projet ont été élaborées après avoir pris en compte les réponses données par nos partenaires à une enquête en ligne. Il s’est articulé autour de deux séminaires en Suisse. Après une réunion introductive en Israël en mai 2022, le premier séminaire s’est tenu en Suisse du 4 au 9 septembre 2022. Il a fait l'objet d’un compte-rendu détaillé séparé.
LE SECOND SÉMINAIRE
Celui-ci s’est déroulé du 13 au 22 août 2023. Il a réuni 3 médiateurs et 6 médiatrices, soit 6 Palestinien·ne·s (d’Israël, de Jérusalem et de Cisjordanie) et 3 Juif·ve·s israélien·ne·s. Parmi les participant·e·s au premier séminaire, quatre ont été empêché·e·s de venir, l’un par un accident de la route gravissime, l’autre par l’état de santé vital de son père, le troisième par un emploi du temps surchargé et la quatrième par un état de dépression latent. Ils et elles demeurent néanmoins engagé·e·s et les participant·e·s au second séminaire les considèrent comme membres du groupe. Quatre autres se sont retirés à l’issue du séminaire 1 pour divers motifs.
Ce second séminaire a été animé par Walid Mula, modérateur arabe israélien de grande expérience en facilitation, formateur en facilitation et auteur d’articles académiques sur le sujet, et Yael Maayan, Juive israélienne, également au bénéfice d’une expérience conséquente en facilitation et formation.
Nous avons aussi, dès la réunion de suivi en janvier 2023, recentré les échanges sur l’hébreu et l’arabe, avec l’interprétation simultanée en anglais-arabe-hébreu pour deux participant·e·s, le tout assuré par quatre professionnel·le·s. Pouvoir s’exprimer dans sa langue maternelle a été un des tournants pour le groupe.
Le compte rendu qui suit fait la synthèse des retours à l’issue du séminaire ainsi que les observations de Fiuna Seylan Ongen qui a participé en tant qu’observatrice-participante à tous les séminaires et toutes les réunions intermédiaires.
objectifs. L’ essentiel des objectifs globaux identifiés pour le programme de deux ans ont été atteints. Le point 3 ne l’a pas été au cours de ce dernier séminaire et seulement partiellement sur l’ensemble du programme.
1 Learn from each other (apprendre l’un de l’autre)
2 Address your key concerns (répondre à vos principales préoccupations)
3 Learn from other conflict areas (tirer des enseignements d’autres zones de conflit)
4 Create a supporting network (créer un réseau de soutien)
5 Offer you a re-energizing stay far away from the conflict area (s’offrir un séjour énergisant loin de la zone de conflit)
DYNAMIQUE DU GROUPE
La dynamique de groupe est désormais fonctionnelle : les membres s’apprécient et ont appris à travailler ensemble. Grâce à la nouvelle équipe de modérateur·trice·s, il règne à l’issue de ce second séminaire un sens de la solidarité et une capacité à avancer ensemble. Plus de membres s’informent sur de prochaines étapes. Le groupe souhaite poursuivre son apprentissage. Il souhaite également élargir le cercle des bénéficiaires en intégrant de nouveaux membres.
LE SYSTÈME POLITIQUE SUISSE
Comme pour chaque groupe accueilli par Coexistences, nous avions organisé une présentation du système politique suisse global par M. l’ambassadeur Brühlart lors du séminaire 1 et il nous a été possible d’exposer cette fois-ci les participant·e·s à la pratique cantonale. Le 21 août, le groupe a donc été accueilli par le secrétaire général du Grand Conseil, M. Santucci, puis par le chancelier ad intérim M. Vodoz pour des visites guidées des deux institutions et des explications sur le fonctionnement du canton et de la répartition des compétences entre canton et confédération.
BÉNÉFICES DU SÉMINAIREA l’issue de ce second et dernier séminaire, les participant·e·s ont dit s’être développé·e·s et avoir avancé, se sont senti·e·s validé·e·s et avoir objectivé leurs savoirs. Ils et elles pensent aussi être entré·e·s dans une dynamique d’apprentissage continu : l’intégration d’une réflexion étayée par la lecture de textes académiques sur le travail de dialogue et des discussions sur les textes durant le séminaire les ont interpellé·e·s et provoqué le désir d’en apprendre plus. Ils et elles ont appris des modérateur·trice·s, en plus d’avoir appris des uns et des autres. Ce programme fut aussi une rencontre avec soi-même. Les thématiques prévues au programme de ce second séminaire ont été toutes couvertes. Elles étaient essentielles et ont répondu aux problématiques centrales des praticien·ne·s. Des modifications ont été apportées au programme afin de creuser certains sujets, au bénéfice de la qualité du travail accompli. L’éloignement des lieux du conflit et la beauté de l’environnement ont permis un décentrage et un apaisement émotionnel. Le groupe a trouvé une dynamique positive et plusieurs participant·e·s se sont dit rechargé·e·s d’énergie. Un certificat de participation leur a été remis à l’issue de leur séjour, grandement apprécié de toutes et tous.
ET ENSUITE?
Le désir de continuer est présent et porté par plusieurs membres du groupe. Les intentions suivantes ont été formulées à l’issue du séminaire :
1 Créer une plateforme professionnelle d’éducation continue, un « Facilitator’s Forum », prolongation en droite ligne de ce projet, qui vise à créer un espace dans lequel les facilitateur·trice·s. peuvent se connecter, développer et mener une réflexion entre pairs pour trouver un soutien moral, professionnel et juridique à leur travail. Ce forum pourrait poser les fondements d’un cadre professionnel inexistant à l’heure actuelle en Israël/Palestine.
Une première version du concept a été rédigée. Coexistences va avancer la réflexion avec ses initiateur·trice·s.
2 L ’émergence de trois groupes de travail a été discutée :
a Un groupe pour partager les apprentissages et intégrer les participant·e·s au projet qui n’ont pas pu assister au dernier séminaire.
b Un groupe pour préparer le contenu des deux réunions/tables rondes souhaitées sur place
[Tables rondes : rencontres des participant·e·s (en Zoom ou présentiel) autour de sujets d’intérêt en tant que médiateur·trice·s. Depuis septembre 2022, trois tables rondes ont eu lieu : le 6.11.2022 (la situation et l’impact probable des élections en Israël
), le 11.12.2022 (stress et traumatismes, impact sur le travail de facilitation), le 19.05.2023 (initiation à l’outil codéveloppé par le
Rossing Center et
Holy Land Trust, Healing Hatred].
Une nouvelle table ronde était prévue en novembre 2023 pour approfondir la thématique Traumatismes et éléments déclencheurs. Elle n’a pas pu avoir lieu. Les autres sujets identifiés et communiqués dans les comptes rendus précédents restent d’actualité : construction de la confiance/safe space, rapports de force au sein des équipes de facilitateur·trice·s et dans les institutions qui les emploient, perturbations extérieures et travail de groupe.
c Dans le futur, un groupe pour préparer le contenu d’un nouveau séminaire en Suisse dans deux-trois ans avec les médiateur·trice·s de ce deuxième séminaire.
3 Développer des initiatives (sur la base de centre d’intérêts personnels, impliquant certains membres)
a Développement du curriculum d’une formation combinant facilitation de groupe et sport de montagne, qui s’adresserait à des médiateur·trice·s intéressé·e·s à utiliser le sport comme vecteur de dialogue. Le curriculum de cette formation couvrirait la construction d’un processus structuré comprenant des thématiques telles que cohésion de groupe, identité de groupe, prises de décision à la majorité ou par construction d’un consensus, narratifs personnels et collectifs… Il s’agirait d’une formation courant sur 6 week-ends et se concluant par un séjour auprès de Coexistences en Suisse.
b Les initiatrices du projet de podcasts (voir notre NEWS 40) confirment qu’il est toujours d’actualité. Une introduction a été enregistrée et partagée avec les participant·e·s. La table ronde de novembre 2023 fournira le contenu du prochain épisode.
PROCHAINES ÉTAPESCompte tenu de l’occupation des participant·e·s du groupe, de l’historique et de la dynamique interne, la question se pose de savoir si un coordinateur ou une coordinatrice bénévole issu·e du groupe sera à même de faire avancer le groupe ou si un coordinateur·trice rétribué·e ne serait pas une formule plus appropriée, et ce afin de ne pas dépendre des disponibilités et du volontariat toujours aléatoires de personnes en recherche de travail. Une personne s’est portée volontaire. Une description de poste est en cours d’élaboration.
Une première proposition conceptuelle de développer une plateforme professionnelle pour les facilitateur·trice·s a été faite. Une proposition structurée et chiffrée (vision, objectifs, étapes, calendrier et budget) est attendue fin novembre.
Le groupe souhaite organiser pour cette même date une nouvelle table ronde et développer un programme roulant de futures rencontres.
Coexistences a reçu quelques évaluations du séminaire 2 qui en confirment le bon déroulement et la satisfaction à son issue.
Depuis le 7 octobre, malgré les multiples urgences personnelles et professionnelles, le désarroi et le choc, grâce à leur sang-froid et à leur résilience, le groupe de réflexion pour les tables rondes s’est rencontré à plusieurs reprises, ceux et celles faisant face au défi de modérer les groupes WhatsApp d’alumni se sont consulté·e·s. Le 14 novembre, le groupe s’est retrouvé avec leurs deux modérateur·trice·s de cet été pour partager leurs vécus. Ce fut une réunion importante pour le groupe, où les participent·e·s ont trouvé de l’écoute, une solidarité et de la chaleur au milieu de la tragédie. Les Palestinien·ne·s ont partagé leur sentiment de double culpabilité, par rapport aux horreurs du 7 octobre, et leur impuissance face aux terribles opérations destructrices à Gaza. Les Israélien·ne·s ont témoigné de leur sentiment de ne pas pouvoir parler avec leurs compatriotes. L’un a ainsi résumé l’importance de cet espace en disant que c’était là qu’il pouvait montrer sa fragilité et être le plus authentiquement lui-même. Ils et elles ont aussi conclu que leurs valeurs étaient leur ancrage, les mêmes qu’avant le 7 octobre. Ainsi, le groupe semble remplir son rôle de réseau de soutien et de référence.
REMERCIEMENTSNos remerciements les plus vifs et chaleureux vont au DFAE, B8 of Hope, les fondations Hirzel, Dafodyle, Sandoz, Waechter et Moser pour leur soutien dans notre vision, leur confiance dans notre capacité à mener à bien ce premier programme courant sur deux ans et leur engagement à nos côtés. Nous avons bénéficié également du soutien du canton de Vaud au travers de l’engagement de la Protection Civile dans les transports du groupe.
Enfin un immense merci va aux bénévoles qui ont contribué au bon déroulement des deux séjours : Danielle et Edgar Bloch, François Feihl, Eric Raddatz, Halina et Massimo Sandri ainsi qu’aux familles d’accueil qui ont hébergé les participant·e·s, les interprètes et les facilitateur·trice·s de ce projet : Danielle et Edgar Bloch, Sylvie et François Feihl, Delphine et Ariel Friedman, Fanny Jaquet, Miriam et Paul Kuelling-Lazega, Marianne et Christian Moekli-Adler, Can Ongen, Marie-Corinne et Thierry Probst-Favret, Halina Sandri.
Fiuna Seylan Ongen, Laurent Enser, 6 novembre 2023