Ce groupe auquel participent des femmes d’âge, d’origines et de milieux très divers fonctionne depuis plus de quatre ans. durant leurs rencontres bimensuelles, ses membres ont pu approfondir leurs liens et construire une confiance mutuelle leur permettant d’aborder des questions douloureuses liées aux narratifs familiaux et nationaux. Après une rencontre particulièrement difficile, une participante a relevé que ces discussions ont créé des failles dans ses certitudes. C’est ainsi qu’elles ont choisi le nom «Women of the Cracks», illustrant le fait qu’elles ont toutes des failles, des fêlures, des traumatismes à la fois personnels et au sein de leur communauté (nakba, shoah, attentats, etc.). Elles ont cité Leonard Cohen qui, dans une de ses chansons, dit «there is a crack, a crack in everything, that’s how the light gets in».
Pendant leur séjour dans un chalet de vacances pour jeunes, elles ont alterné promenades, marches en montagne et nombreuses sessions internes. si certaines avaient déjà participé à des treks avec Ulfat Haider, d’autres n’avaient jamais vu la neige. il était impressionnant d’observer la bonne humeur, la solidarité et l’aide mutuelle que s’apportaient ces femmes dont plusieurs sexa- et septuagénaires, lors de la difficile montée à la Creusaz sur des sentiers enneigés. Le samedi, sur le chemin du retour, la joyeuse troupe a passé 3 heures aux Bains de Lavey. merveille et enchantement, certaines se sont écriées: «Je rêve». En effet, le soleil et le ciel bleu, les montagnes, les différents bassins, le jacuzzi et le hammam les ont enchantées. C’est dans les locaux de la Frat’ du CSP qu’a eu lieu la rencontre avec les familles autour d’un petit en-cas. puis chaque couple de dames est rentré dans «sa» famille.
Dimanche, journée libre des familles justement. Et là, rencontres inopinées sur les quais de Lutry ou organisées entre Montreux et le château de Chillon ont donné une fois de plus l’occasion d’embrassades et de joie.
Lundi, la partie sérieuse reprenait. Le matin nous avons été invitées en compagnie d’Ada Marra, membre du Conseil national et vice-présidente du parti socialiste suisse, à visiter le parlement vaudois, puis dans une salle mise à notre disposition, Ada Marra a expliqué le système politique suisse et vaudois. et a parlé à la fois de son parcours, de ses engagements, des enjeux politiques nationaux, des dissensions existant parfois de part et d’autre du «röstigraben», des difficultés que rencontrent les populations les plus vulnérables, les immigrés, les réfugiés. Elle s’est montrée, comme nous la connaissons, ouverte, généreuse, en femme de tête et de cœur. Nous la remercions infiniment pour ce moment de partage. Les participantes ont pu poser de nombreuses questions concernant des sujets politiques et sociétaux. Elles se sont rendu compte que si en Suisse le droit des minorités est fortement ancré dans les différents processus politiques, en Israël des solutions pragmatiques sont souvent proposées à des problèmes qui en Suisse nécessitent de longs débats à travers les institutions. Comme le soleil était résolument de la partie, c’est sur les bancs de la vieille ville que le groupe a pris son pique-nique.
L’après-midi, elles ont été reçues à la Consultation psychothérapeutique d’Appartenances, puis au Centre femmes. Les présentations ont été traduites en hébreu par Ruthi et Daniela. Par manque de temps, il n’a pas été possible d’avoir aussi un interprète arabophone, afin de respecter les deux langues du groupe, ce qui est un des principes fondateurs d’Appartenances. Après une présentation du groupe Women of the Cracks par une des participantes, Nathalie Bennoun, psychologue et psychothérapeute a présenté l’association Appartenances. Anne-Dominique Ovaert, physiothérapeute a, quant à elle, expliqué l’approche corporelle complémentaire à la psychothérapie. Elle a aussi présenté un des groupes thérapeutiques d’Appartenances, le groupe Femmes et Corps.
Les femmes ont été impressionnées par les multiples prestations offertes et par le fait que, contrairement à ce qui se passe en Israël, ici tout est réuni dans un même lieu. La présence de Liridona, une patiente de Anne-Dominique et ex- patiente de Marie-Corinne, les a beaucoup touchées. Son témoignage a illustré de façon personnelle et vivante le soutien et le travail thérapeutique fait à Appartenances. Les femmes et les facilitatrices ont relevé, dans l’échange entre Liridona et ses thérapeutes, le respect et la qualité humaine des liens s’exprimant au travers du «body langage». Elles ont été très intéressées par l’exposé de Nathalie sur le traumatisme psychique et les violences collectives, et plusieurs femmes ont exprimé, en aparté, une résonance avec leur vécu. Rina et Nathalie ont constaté des fortes convergences dans les concepts et les outils de travail thérapeutique entre Appartenances et Natal. Anne-Dominique a su, avec entrain, proposer un petit exercice de relaxation et régulation émotionnelle qui a animé l’assemblée. Dans la seconde partie de l’après-midi, elles ont été reçues par la responsable du Centre Femmes Annie Piguet. Celle-ci leur a présenté les diverses activités offertes et elle leur a fait visiter les lieux. Les femmes ont relevé la richesse et la multiplicité des activités… avec un peu de «jalousie» nous ont-elles dit. Nous remercions vivement Nathalie, Anne-Dominique et Annie pour leur accueil chaleureux et leurs présentations passionnantes.
Mardi, ces dames ont débuté leur journée par les bois de Sauvabelin. Étonnées d’apprendre que le lac servait autrefois de piste de patinage, elles ont grimpé en haut de la tour en bois puis sont descendues sur le charmant petit chemin vers la cathédrale, qu’elles ont pu visiter en compagnie de notre guide. Un petit tour dans la vieille ville, un coup d’œil sur l’horloge animée de la place de la Palud à 12h pile. Une halte bienvenue à la Crêperie de la Chandeleur et il était déjà l’heure de repartir en direction de la Collection de l’Art Brut. Hélas le temps était compté, il a fallu repartir trop tôt pour se rendre au refuge de Prilly où elles devaient faire le bilan de leur séjour et préparer la soirée finale.
En effet cette année la soirée d'adieu n’a pas eu lieu le dernier jour mais le précédent, et cela était dû au fait que Rina, une des deux facilitatrices et l’une des participantes devaient partir le lendemain. Les familles ainsi que quelques membres sont venus nous rejoindre et c’est autour d’un magnifique buffet canadien (le meilleur que nous ayons jamais eu) qu’une fois de plus, embrassades, remerciements, promesses de se revoir très bientôt se sont succédé, avec cette année une fête d’anniversaire, moment très émouvant.
Il y a eu un film qui résumait les activités du groupe, puis une courte présentation d’une exposition artistique qu’elles ont organisée à Beit Hagefen. Chacun des petits groupes constitués de 3-4 participantes a présenté son œuvre, illustrant par des dessins, photos, animations sur la plage leur désir, leurs espoirs, leurs projets futurs. et c’est l’amitié, la tolérance, la bienveillance, le soutien du groupe qui les renforcent.
Le lendemain, mercredi, le soleil nous lâchait, et c’est sous la pluie qu’à l’issue de la visite du musée de la Croix Rouge le groupe a visité la Vieille-Ville de Genève avant de rentrer à Lausanne, pour faire – enfin – un peu de shopping. Dans la soirée la neige est apparue et elles ont quitté à 6 h. du matin leur maison lausannoise sous 10 cm de neige fraîche pour un dernier rendez-vous à la Riponne où les attendaient les bus de la PC (que nous remercions une fois encore).
À l’issue de ce voyage le groupe a plusieurs projets futurs, dont celui de marcher ensemble le long du sentier national israélien, ainsi que de créer des binômes arabes/juives qui encadreraient des petits groupes (4-5) de nouvelles recrues, et ces binômes seraient supervisés par Rina et Ulfat. Certaines familles ont également émis le désir de rendre visite au groupe à Haïfa, ce qui a suscité un grand enthousiasme.
Nous tenons à remercier la fondation Juchum pour son soutien à ce projet.